Shayne Michael

Je m’appelle Shayne Michael, Wolastoqiyik, originaire de la Première Nation malécite de Madawaska, au Nouveau-Brunswick. Avant de partir pour les études, j’ai habité dix-huit ans dans ma communauté. Incertain de mon cheminement, j’ai voyagé d’Ottawa à Moncton à Québec. Le théâtre et la danse sont mes deux formes d’art préférées. Je me suis laissé guider par les deux, alors j’ai étudié les arts dramatiques à l’Université de Moncton, et le théâtre et la mise en scène à l’Université Laval. J’ai complété mon baccalauréat en 2015. La danse était plutôt une formation autodidacte, une formation à mon propre rythme. J’ai utilisé toutes ces années pour explorer les arts, pour assister à des spectacles, pour observer et pour m’exercer. J’ai ensuite pris une pause artistique. Après cette pause, j’ai commencé à écrire pour la première fois et à apprécier la lecture pour la première fois. En novembre 2020, j’ai publié mon premier recueil de poésie, Fif et sauvage, aux Éditions Perce-Neige. Je ne pensais pas publier avant d’être sur scène. 

Printemps incertain
Le soleil réchauffe mes pensées
Le vent me fait sourire
Des arômes partout
L’odeur des fleurs me calme les poumons
La pluie tombe
Et le soleil se recharge

Les fleurs ont soif
Le vent caresse les fleurs
Pour être prêt pour demain
Printemps incertain
Mon corps est photosynthèse

Dans le passé, j’étais perdu dans mes identités autochtone et LGBTQIA2+. J’étais toujours dans un trou, dans un milieu. Ma culture autochtone était mise de côté. Elle n’était pas une priorité. Les arts m’ont permis de m’exprimer, mais je ne pouvais pas encore m’assumer. Avec tout ce qui se passe aujourd’hui du côté des cultures autochtones, ces questions d’identité sont toujours d’actualité. Elles sont mises en jeu, mais on n’est pas assez pour soutenir le jeu. Nouvellement auteur, est-ce que j’arrive trop tard ? J’ai toujours cru qu’il était trop tard pour apprendre ma langue autochtone, mon histoire, mes valeurs, mes traditions, mais ce n’est pas le cas. J’ai encore une voix. Je peux l’utiliser. Il suffit d’avoir une voix pour devenir un leader. Les arts sont là pour passer un message avec facilité. La voix d’un leader vient appuyer le message et c’est à ce moment-là que l’artiste autochtone s’assume en tant que leader autochtone. 

Tu glisses dans les instants de vie
Te perds dans les raccourcis
Pour oublier les soucis
Tu laisses ton coeur chanter
Et t’illuminer

Tu trippes sur ce qui est difficile
Mais rapide
Tu trippes sur ce qui est difficile
Mais riche en apprentissages
Le temps n’arrête pas

Tu veux accélérer
Et vivre pleinement chaque instant de vie
Tu veux te souvenir de tout
Pour être capable de t’adapter
Mais surtout
Pour apprendre

Le titre de mon premier recueil de poésie est très osé et provocateur. Est-ce que je le regrette ? Non ! Mon recueil permet d’avoir des discussions qui touchent les communautés autochtones et LGBTQIA2+. Le monde évolue assez rapidement, donc il est important d’ouvrir le dialogue, d’y laisser place. Lorsque j’étais jeune autochtone, on parlait uniquement de mariage entre une femme et un homme dans ma communauté. En grandissant et en voyageant dans différentes provinces, j’ai découvert de nouvelles perspectives sur les cultures et les identités. C’est possible d’être autochtone et homosexuel. C’est possible d’être autochtone et bispirituel. Et pourquoi est-ce possible maintenant ? Il faut se renseigner. Parfois, il faut l’expliquer à plusieurs reprises. Il faut se répéter. Il faut ramener les mêmes arguments. Le monde est tellement lourd qu’il nous fait reculer. C’est normal de ne pas avoir les réponses à tout. Les réponses viennent avec le temps. C’est à moi et à d’autres leaders autochtones de foncer dans des sujets parfois délicats. C’est pourquoi j’apprécie les arts. Un leader est capable de transformer le poids des dialogues en quelque chose de beau. Je suis un leader qui veut ouvrir les yeux des autres pour leur faire voir de nouvelles perspectives, et ce, dans le respect. 


Branche cassée
Feuille morte au large
Poisson déshydraté
Sur le bord de la rive
Aigle nu
Qui recherche ses plumes
Loup nu
Qui recherche sa fourrure

Ruisseau d’huile
Morceaux de plastique flottants
Ma culture
Volée de ses biens
Tu veux un meilleur avenir
Tu dois le construire avec ce qui reste

Lorsque j’étais jeune et en quête identitaire, je n’avais aucun repère. Les ressources étaient pratiquement inexistantes. Aujourd’hui, tout est possible pour mieux apprendre et pour mieux se préparer. Au travers des années, j’ai fait la rencontre de plusieurs leaders et artistes autochtones. C’est un mélange de leurs connaissances qui m’a inspiré à creuser en profondeur ma culture autochtone. C’est la sagesse des aîné·es qui m’a poussé à mieux comprendre les réalités et les enjeux de nos communautés. J’avais ce besoin de combiner les deux et de sortir de ma zone de confort. Je veux faire face aux défis. Il me faut des défis pour continuer de m’améliorer en tant que leader. Je ne suis pas né leader, mais j’ai réveillé le leader en moi. Les arts doivent continuer d’exister. Mon identité se greffe à ma volonté de créer. Une fois que tout est sur mes épaules, je peux m’affirmer. 
 

Marche sur la terre sensible. Porte l’esprit de tes ancêtres. Chaque pas est sacré. Une marche aux yeux fermés, là vers où les aîné·es te guident. Jeunesse douteuse et curieuse. Tu as du chemin à faire. Des regards te croiseront, te laissant des cicatrices. Des gens te pointeront du doigt, te feront creuser un trou. N’aie pas peur : la terre sensible est profonde. Elle absorbe et elle est forte. Elle te relève. Sans essoufflement, tu redresses la tête. Jeunesse maintenant courageuse et déterminée. Continue d’avancer. Chaque pas est sacré. C’est à ton tour de laisser ta trace pour ceux qui suivront.

Un leader ne cesse jamais de se perfectionner, car chacun et chacune d’entre nous a ses défauts, moi y compris. Un leader doit être prêt à tout. Un leader doit focaliser son attention. Un leader doit toujours s’améliorer. Un leader doit être généreux. Un leader doit être ouvert d’esprit. Un leader doit être capable de s’ancrer au jour le jour. Malgré la pression, un leader n’est pas toujours obligé de parler. Un leader peut s’exprimer à travers les arts. Il ne faut pas oublier : une image vaut mille mots et un leader peut jouer avec les mots. C’est comme sortir de sa zone de confort pour un moment et à la fin de la journée être capable de remettre ses pantoufles.