Loretta Robinson

Loretta Robinson est née à Schefferville en 1981, près de la communauté de Kawawachikamach, là où elle a grandi avec ses parents et sa famille. Son père est un Cri du Nord du Manitoba et sa mère, une Naskapie de Kawawachikamach. Les parents de Loretta se sont assurés de lui léguer les savoirs et l’enracinement aux territoires de la Nation naskapie et de la Nation crie. Aujourd’hui, elle est reconnaissante d’avoir acquis ces connaissances puisqu’elles sont directement liées à sa carrière.

Loretta Robinson a habité Schefferville jusqu’à ce qu’elle obtienne son diplôme de l’école secondaire. Elle savait que l’éducation deviendrait sa passion : son père était éducateur et, toute jeune, déjà, elle jouait régulièrement à l’enseignante. Dès son plus jeune âge, ses parents lui ont transmis l’importance de s’instruire. Après l’école secondaire, Loretta s’est inscrite au cégep de Sept-Îles dans le programme de sciences sociales. Elle affirme que c’était difficile par moment d’être si éloignée de sa propre communauté, mais savait qu’elle y retournerait un jour et contribuerait à son développement.

En tant que leader, sa mission était de redonner à sa communauté. Elle s’est ensuite lancée dans deux baccalauréats à l’Université Bishop’s, le premier en arts et l’autre en enseignement au primaire. Douée et passionnée, Loretta a travaillé très fort et s’est vraiment démarquée au cours de ses formations : diplômée avec mentions d’honneur, elle a également reçu des bourses d’études.

À la suite de son parcours universitaire, elle s’est impliquée de plus en plus dans les luttes des femmes autochtones et les enjeux entourant le milieu de l’éducation. Elle pensait à sa communauté et se posait diverses questions, dont celle-ci : comment puis-je établir un lien entre ce que mes élèves apprennent et la culture naskapie ? Après sa première année d’enseignement dans sa communauté, elle a songé à poursuivre ses études.

Son retour à l’Université Bishop’s lui a permis de rédiger un mémoire de maîtrise en enseignement sur les rapports entre la façon d’être des Naskapis et leur vision du monde, et le système actuel d’éducation au Québec. Le système d’éducation québécois - avec ses protocoles et les langues française et anglaise – représente un défi pour les jeunes naskapis.

Loretta utilise l’image de deux rivières pour illustrer ce qui a grandement influencé sa pratique. Dans cet esprit, la rivière du haut représente l’apprentissage comme un processus holistique enraciné dans la communauté et l’environnement naturel, entretenant de profonds liens culturels et spirituels avec la terre et l’eau. La terre, également connue sous le nom de Terre Mère, permet à chaque enfant de s’enraciner ; c’est ce qui le rend entier et unique. Sur le territoire, nous parlons, pensons et interagissons en langue naskapie.

La rivière du bas, elle, désigne les protocoles, les lois, les autres langues qui sont étrangères aux yeux des Naskapis. Il y a une déconnexion, et il est donc plus difficile de pagayer dans cette rivière. Loretta est d’avis que les jeunes méritent de pagayer sur leur propre rivière pour retrouver un équilibre.

Depuis son retour dans la communauté, Loretta Robinson continue de transmettre ses savoirs comme mentore et conseillère en éducation. En 2018, elle prend l’initiative de proposer au ministère de l’Éducation une « compétence 15 » comme référentiel de compétences de la profession enseignante : valoriser et promouvoir les savoirs, la vision du monde, la culture et l’histoire des Autochtones. Cette proposition est déjà adoptée dans diverses écoles et institutions.

Loretta ne travaille pas seulement avec les jeunes autochtones, mais également avec les enseignants afin de mieux les outiller. Elle est souvent invitée à siéger dans des comités pour répondre à des questions sur l’importance de l’éducation des jeunes autochtones. Récemment, en mai 2022, Loretta a reçu la Médaille Premiers Peuples du lieutenant-gouverneur du Québec, qui reconnaît son engagement exceptionnel envers sa communauté et le Québec.

Finalement, elle ajoute que, malgré la lourdeur des responsabilités qui peuvent paraître insurmontables, on se doit de prioriser sa culture. Il faut être fières et fiers de ses origines, car chaque histoire est importante. Une voix comme la sienne peut inspirer les autres. Elle se souviendra à jamais de ce qu’un aîné lui a dit un jour : « C’est un travail difficile, mais c’est un travail important. » Voilà ce qui l’inspire à pagayer vers l’avant.