Jean-Marie Aubin
Jean-Marie Aubin est né en 1928 à Saint-Léon-le-Grand d’un père malécite (wolastoqey) et d’une mère québécoise. Avant de devenir chef intérimaire de la Nation wolastoqey en 1987, Jean-Marie Aubin était menuisier, pêcheur, amateur de la nature et artisan méticuleux. Particulièrement intelligent pour son âge, il a quitté l’école très jeune. Il trouvait que ce n’était pas un lieu très accueillant. Il aimait beaucoup travailler le bois, ce qui l’a poussé à devenir créatif et à fabriquer ses propres jouets. Après avoir rencontré sa future épouse à Montréal, il a fait l’achat à Longueuil de sa maison familiale.
Au fil de sa carrière, il n’a jamais cessé de travailler le bois, a collaboré aux oeuvres du sculpteur Louis Archambault et participé à la construction de l’immeuble de la Place Dupuis, à Montréal. On dit qu’il aurait pu être ingénieur.
Jeune, il aimait pêcher au collet, ce qui se traduisait parfois par un saumon par jour. Il chassait également le gibier. Il aimait la musique et jouait pratiquement de tous les instruments, à l’exception du violon. Chaque fin de semaine, il partait dans le nord se ressourcer ; c’était son exutoire. Il a vécu la majorité de sa vie dans une certaine dualité. Il ne parlait pas de son identité autochtone ni de sa langue, qui ne lui avait pas été transmise. Il ne fallait pas, car c’était caché. Là se trouvait la dualité de vivre avec une identité non assumée.
Un jour, les enfants de Jean-Marie Aubin ont découvert son secret. Ils ont trouvé sa carte de statut autochtone, cachée dans un tiroir. Pour eux, c’était une fierté, mais encore une fois leur père préférait taire ses origines. Si Jean-Marie agissait ainsi, c’était pour protéger ses enfants.
Malgré ses moments de doute, Jean-Marie était une personne qui adorait rire : il se devait de raconter à ses enfants au moins une bonne blague par jour. Pilier de famille, rassembleur et généreux, l’homme avait le tour avec les gens. La famille était ce qui comptait le plus à ses yeux. Il traitait chaque personne avec respect. Il était un très bon négociateur.
Un jour, Jean-Marie a reçu une visite importante, celle de deux membres abénakis de Wôlinak : Noël et Pierre Saint-Aubin. Les deux hommes invitaient Jean-Marie à participer à une réunion afin de remettre la Nation malécite en marche.
Il fallait l’empêcher de sombrer dans l’oubli, de s’effacer, et s’assurer qu’elle demeure la onzième nation autochtone au Québec. Jean-Marie est alors devenu chef intérimaire. Avec le soutien de sa femme et de ses enfants, et à l’aide d’un bottin téléphonique, il s’est lancé à la recherche des membres actifs de la Nation malécite, éparpillés un peu partout sur le territoire. En 1987, une centaine de membres se sont déplacés à Rivière-du-Loup pour y élire un chef et un conseil de la Nation. Deux ans plus tard, les Malécites étaient reconnus officiellement par l’Assemblée nationale du Québec. Quelques mois après, Jean-Marie Aubin s’éteignait.
Selon ses proches, Jean-Marie a travaillé d’arrache-pied à la renaissance de la nation. Il ne l’a pas fait pour lui, il l’a fait pour les autres. Il connaissait l’importance de faire revivre la culture, savait qu’il fallait être sérieux et accepter ce défi de taille. Une fois de plus, il n’agissait pas par satisfaction personnelle, mais répondait à l’appel de quelque chose de plus grand. Sa contribution à l’histoire des Malécites a été primordiale. Le flambeau a été passé à la génération suivante. Avant de nous quitter, il s’est dit ému de cet accomplissement. Ému d’avoir pu rencontrer les chefs des autres nations, de s’être senti accueilli et d’avoir assumé, pour une fois, sa véritable identité.
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