Phil Lavoie
J’ai toujours eu une passion pour le skateboard. Quand j’étais plus jeune, je voulais devenir cinéaste de vidéos de skate, car j’ai toujours aimé nous filmer, mes amis et moi, en skate. Au fil du temps, nos vidéos ont gagné en popularité et, en convertissant le nom de notre site web en nom de marque improvisé, on a commencé à vendre quelques t-shirts et casquettes en ligne en utilisant nos sous-sols comme mini-entrepôts. Au cours des dix dernières années, ces quelques t-shirts se sont transformés en centaines et une compagnie de vêtements est née. Aujourd’hui, on vend nos produits à notre magasin à Montréal ainsi que dans plus de quarante pays. Entre-temps, j’ai découvert de nouvelles passions, comme le design et le marketing.
Quand vient le temps de célébrer les artistes ou les entrepreneur·es autochtones, c’est important de souligner le travail de ceux et celles qui mettent de l’avant la culture autochtone millénaire, car il faut le plus possible préserver celle-ci. Cependant, et je le dis en toute humilité, je crois que c’est aussi bien de célébrer l’art et le travail des Autochtones qui ne ressemble pas nécessairement à celui de nos ancêtres. Faire des films de skateboard, faire des vêtements urbains, ça n’a pas grand-chose de traditionnel, mais c’est tout aussi authentique.
Autrement dit, plus on en connaît sur notre culture, plus il devient facile de l’intégrer dans notre art. Pour plusieurs raisons, notamment historiques, ce n’est pas tout le monde qui prend son inspiration uniquement dans la culture traditionnelle autochtone. C’est important de rappeler que ces gens-là sont tout aussi autochtones que les autres, peu importe le style d’art qu’ils adoptent.
Si on ne mentionne jamais nos origines, on les oublie, on perd le contact, on se parle moins entre nous… Et on se parle encore moins en abénakis ou dans les autres langues autochtones.
Je n’avais jamais parlé en public de mes origines abénakises jusqu’à récemment, en grande partie parce que je ne considérais pas que mon art était assez « autochtone ». J’ai réalisé que c’est en en parlant, peu importe le niveau d’attachement de notre art ou de notre entrepreneuriat à la culture traditionnelle, que plus de gens peuvent s’identifier, se rassembler et ensuite échanger et s’enseigner leur propre culture. C’est un peu ça, aussi, faire figure de leader : c’est une question de communauté.
Il n’est jamais trop tard pour en apprendre sur notre culture. J’ai grandi en ville, je n’avais jamais parlé la langue, et j’ai commencé à travailler sur ma compagnie en faisant des films de skateboard. Ça ne sonne pas nécessairement comme une histoire autochtone, mais tu sais quoi ? C’en est une.
Depuis quelques mois, je suis inscrit à des cours d’abénakis, et je suis très fier de mon initiative. J’invite d’ailleurs tout le monde qui va lire ce texte à s’inscrire à des cours de langues aussi. Nous ne sommes pas beaucoup en ce moment à suivre les cours d’abénakis, donc chaque personne a son rôle dans la préservation de notre langue et de notre culture.
Il existe tellement de défis différents pour les leaders et artistes autochtones. Pour moi, la question de la survie de la langue est primordiale. J’aimerais vraiment contribuer le plus possible à la conservation de la langue abénakise, qui est littéralement en voie d’extinction. Le nombre de gens qui la parlent au Québec se compte sur les doigts de la main, donc il y a beaucoup de travail à faire. Et pour moi, ben, c’est comme le skate : c’est plus qu’une passion, finalement, c’est une mission.
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